Tout a commencé un dimanche après-midi, pendant le confinement. Brigitte Raymond et son époux vivent alors à Bruxelles. Ils ont l’habitude de regarder en visioconférence le culte de l’Eglise protestante nantaise, la communauté d’un de leurs enfants, puis d’échanger à distance avec leurs enfants et petits-enfants sur la célébration. «Soit mon mari, soit moi proposions un partage. Un jour, j’ai imaginé un parcours type ‹jeu de l’oie› sur l’Exode, dont on avait parlé. Mon fils l’a imprimé, nous avons joué ensemble à distance et il m’a dit: ‹C’est vraiment bien! Il faut continuer.›» Ni une ni deux, la sexagénaire qui a un bagage d’enseignante et de cheffe d’entreprise développe cette idée. 

«Une nouvelle page de ma vie s’ouvrait. J’avais envie de témoigner et de transmettre, mais en laissant à mes petits-enfants le choix de prendre ou de laisser. Le jeu est ma manière de le faire. Beaucoup de valeurs passent à travers ces moments partagés.» Elle se met en lien avec sa nièce Maud Passini, à la tête d’un studio de design à New York, et échange avec ses petits-enfants… «Il fallait que cela réponde à leurs attentes!» Quand on la rencontre, cinq ans plus tard dans un café genevois, Brigitte Raymond compte déjà deux jeux à son actif, Exode Aventures sorti en 2021 et Rencontres avec Jésus, deux ans plus tard. Un troisième est en cours de réalisation. Son petit-fils Gaby (8 ans), qui l’accompagne ce jour-là, est un fervent fan des créations de sa mamie. «J’aime bien les obstacles à surmonter et les dessins. Et puis, ça me fait penser aux Aventuriers du Rail ou à Pékin Express», explique-t-il au sujet d’Exode Aventures.

Le but de chaque partie? «Aller d’Egypte en Terre promise, de la servitude à la liberté, en ayant vécu des moments difficiles et éprouvé des étapes avec l’assurance de la présence et de la fidélité de Dieu tout au long du chemin – de nos chemins de vie aussi», résume la créatrice, qui tient à l’idée de parcours. «J’aime la liberté de choisir son chemin, d’avancer de plusieurs cases selon les rencontres, de reculer ou de changer de sens. Tous les itinéraires sont possibles.» Des principes au cœur de Rencontres avec Jésus, jeu développé avec Laurence Gangloff, chargée de la catéchèse dans l’Eglise protestante d’Alsace et de Lorraine, et du pasteur François Choquet de l’Eglise protestante unie de Belgique. 

«L’objectif était de montrer comment la rencontre avec Jésus de ces personnes malmenées par la vie ou laissées sur le côté les a remises en marche dans la joie, la vie, la paix, le pardon.» Pour ce faire, il a fallu «gamifier» des récits bibliques. L’équipe a sélectionné une série de textes du Nouveau Testament et s’est rapprochée de Simone Bartelds-Lathuilière, théologienne catholique, qui a accepté de les réécrire «sous l’angle de la rencontre». Le choix de la réécriture «nous a paru plus simple et plus parlant que le vocabulaire biblique afin de rester accessibles aux enfants et à tous», explique Brigitte Raymond, par ailleurs prédicatrice laïque, et pour qui partager autour des textes originaux représente «un plaisir et une réjouissance extrêmes.»

Cette protestante engagée tout au long de sa vie dans l’Eglise récuse les termes «prosélytisme, évangélisation, mission» pour parler de ses jeux. «Ce sont des propositions. Le but n’est pas d’apprendre la Bible: je veux que chacun puisse découvrir le message biblique là où il en est et tel qu’il peut le recevoir. Si l’on joue sans avoir découvert la foi, ce n’est pas grave. D’ailleurs, parmi mes petits-enfants, tous jouent différemment.» 

Sur les boîtes, un slogan: «Découvrir, partager, échanger.» En matière de découverte, la mission est accomplie, les jeux trouvent preneurs. D’abord testé dans un cours de religion, Exode Aventures a été sollicité par le Service jeunesse de l’Eglise protestante de Bruxelles, «pour qui j’ai développé un grand plateau afin de jouer à l’extérieur lors de grandes journées de rencontres», explique sa créatrice. Des commandes arrivent aussi du nord de la France, où Brigitte Raymond prêche souvent. Ou encore de Suisse, où vit sa fille, et où elle rencontre ses alter ego francophones en tant que présidente de la commission des ministères de l’Eglise protestante unie de Belgique. 

La dimension œcuménique et interconfessionnelle d’Exode Aventures lui vaut aussi du succès dans des groupes œcuméniques et des communautés juives libérales. Et en famille, Brigitte Raymond continue à inventer des jeux et à les tester avec ses petits-enfants.